« Regards sur nos assiettes », docu goûtu
(Crédit photo : DR)
De Pierre Beccu, sortie le 9 septembre.
A
vingt-cinq ans d’intervalle, deux documentaires retracent le parcours
d’un repas, des conditions de sa production à l’assiette. La forme et le
regard cinématographique diffèrent totalement entre le film de Luc
Moullet,
Genèse d’un repas, sorti en 1979, et celui de Pierre
Beccu, qui sortira en avril accompagné d’un cycle de projections-débats
et de modules éducatifs. Néanmoins, ce procédé permet, dans les
deux cas, de renouer le lien, défait depuis longtemps, entre l’aliment
que l’on porte à sa bouche et les conditions de sa production.
« J’ai choisi des aliments parce que c’est quelque chose qui parle aux gens », racontait Luc Moullet dans une interview de 1979 parue dans
Cinéma 79. En l’occurrence, un morceau de thon à l’huile, une omelette et une banane. Le menu, très banal, d’un déjeuner sur le pouce.
« Ce sont des choix très précis. Je voulais des produits de France »,
poursuivait-il. Le fil conducteur de son documentaire est
l’exploitation des travailleurs du monde entier. Luc Moullet remonte la
filière, en Equateur pour les bananes, au Sénégal et dans le
Pas-de-Calais pour le thon, en Normandie pour les œufs. Il se met en
scène lui-même, consommateur blanc occidental, bénéficiaire de ces
partages illégaux. Déjà, le problème de l’imaginaire mensonger du
terroir est présent dans le film à travers le parcours du thon
sénégalais, labélisé « pêcheur breton ». Sur le même thème, plus qu’un
regard de cinéaste,
Regards sur nos assiettes propose un exercice
de co-construction avec six étudiants en ingénierie d’espace rural à
Annecy (Haute-Savoie). Le documentaire commence dans les rayons d’un
supermarché, où se fait 80% de la vente des denrées alimentaires. Mais
l’enquête tourne court lorsque les services de surveillance interdisent
aux apprentis réalisateurs de capturer les images des têtes de gondoles
vantant leurs promotions.
Un pain qui sent le miel
Après les questions des marges, de la provenance, de la saisonnalité,
survolées faute d’accès aux sources, le documentaire devient intéressant
lorsqu’il raconte l’élaboration de circuits courts, peu à peu, en marge
du système. Acteurs du film, les étudiants réapprennent, et nous avec,
comment le pain, produit avec des variétés de blés anciennes, sent le
miel et se conserve plus d’une semaine. Des agriculteurs, rencontrés
longuement, reprennent la main sur leur métier, choisissent leurs outils
et sortent d’un système d’exploitation avilissant de la terre et des
hommes. Comme dans Genèse d’un repas, les coûts cachés, économiques,
éthiques et politiques, du contenu de nos assiettes sont rendus visibles
par un exercice de dévoilement implacable et logique, mais que l’on se
refuse pourtant à faire.
Découvrez la bande-annonce du film
Regards sur nos assiettes Bande Annonce from
bascanal on
Vimeo.
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