dimanche 31 janvier 2016

Estampillé Menuiserie

Bonsoir à toutes et à tous,

Vous  trouverez ci-attachées les informations sur une prochaine exposition à Rodez, essentiellement consacrée à
la gravure et à l'image artisanale imprimée. J'ai l'honneur et le plaisir d'y exposer avec 8 autres collègues venant 
d'horizons multiples.
De plus, le jeudi 11 février à 18 heures, grâce à un partenariat très productif, aura lieu une séance de cinéma "gravure"
(3 courts métrages, soit environ 1 heure de projection, dont un court métrage de Jean Grémillion sur l'atelier 
Lacourière) à la Médiathèque de Rodez. Laurent Nicolaï et moi assurerons la présentation et l'animation; 
vous y êtes cordialement invités.
Ces petits films permettent de pénétrer très concrètement dans les techniques, les particularités, les (apparents) 
mystères du travail de gravure. La Médiathèque mettra aussi en place une vitrine avec les outils, les plaques, les 
obets, etc. qui nous font travailler en gravure, et en plus des livres d'artistes incluant des oeuvres gravées.
Au plaisr de vous rencontrer prochainement
Bien cordialement

André Stengele


Le 1er BMS de l'année est paru

Association SELidaire a publié un(e) Actualités.
BMS janvier 2016
 

 
Bonjour à tous Le 1er BMS 2016
 
est paru : c'est le premier de la liste. Il est accompagné du Bulletin du Carrefour du SEL
 
  :) Bonne lecture

Revenu de base et revenu contributif, deux projets complémentaires.

Revenu de base et revenu contributif, deux projets complémentaires.

Janus
Pierre Musseau est contributeur du think tank Terra Nova où il s’intéresse à l’écologie sociale, à l’économie collaborative et à la question du compte personnel d’activité (CPA). Il propose ici une approche des complémentarités possibles entre revenu de base et revenu contributif.
Le Conseil du Numérique (CNNum) a remis le 6 janvier à la Ministre du Travail un rapport qui propose d’éclairer, d’expertiser et d’expérimenter le revenu de base. Après avoir analysé plusieurs modalités de revenu de base, le rapport reprend la proposition émise lors de la journée contributive organisée le 19 novembre : instaurer un revenu de base universel en remplacement du RSA. Cela pourrait se faire en trois étapes : versement automatique du RSA à ceux qui y ont droit, individualisation du RSA (par la réforme de l’impôt sur le revenu) et enfin rendre le versement du RSA universel. Une expérimentation locale pourrait être envisagée et le CNNum recommande que cette proposition soit examinée dans une commission parlementaire.
Le rapport du CNNum mentionne également la proposition d’un revenu contributif qui avait été relayée par Ars industrialis fondée par Bernard Stiegler. Le principe est de généraliser le système mis en place pour les intermittents du spectacle afin d’assurer à tous les travailleurs une meilleure gestion de leurs temps professionnels (phases de développement de capacités et phases de mise en production de ces capacités). La perception de ce « revenu contributif » serait conditionnée à l’exercice d’activités présentant un intérêt pour la collectivité.
Le CNNum insiste en particulier pour valoriser toutes « les activités, rémunérées ou non, porteuses de sens individuel et collectif ». Il souligne ainsi la diversité des activités qui peuvent être source d’épanouissement personnel. Des activités comme le bénévolat, le « travail » pour des plateformes collaboratives (par exemple Wikipedia, OpenStreetMap), la contribution à un projet d’intérêt général (réparation d’une route, mise à disposition gratuite d’espaces pour des conférences, ateliers, etc.) devraient selon le CNNum bénéficier d’une valorisation à travers l’octroi de droits sociaux. De telles activités pourraient être comptabilisées à travers le compte personnel d’activité (CPA) prévu par la loi du 17 août 2015 pour une mise en place à compter du 1er janvier 2017. Le CPA est soutenu par le CNNum comme « un outil d’empowerment, de pouvoir d’agir individuel, et de sécurisation des transitions ». L’étendre à des activités non rémunérés permettrait d’élargir les droits sociaux (droit à la formation, droit aux congés, voire même droit au chômage ou à la retraite). Le CPA pourra aussi être un support pour comptabiliser une quantité d’activité donnant droit à un revenu contributif.
Revenu de base et revenu contributif diffèrent en fonction de leurs objectifs mais il sont aussi très complémentaires.
Il est utile de faire une analogie avec le duo RSA socle / Prime d’activité (qui a remplacé le RSA activité au 1er janvier). Le RSA socle a pour objectif de lutter contre la pauvreté. En le remplaçant, le revenu de base pourra bien davantage répondre à cette fin . La Prime d’activité a d’abord pour objectif d’inciter à l’activité : le revenu contributif en le remplaçant pourra rendre effectif cet objectif en élargissant ce qu’on entend par activité, en incluant aussi des activités non marchandes, donc potentiellement plus faciles à créer car moins contraintes économiquement.
Défendre revenu contributif et revenu de base de concert a aussi un mérite : cela peut permettre de trouver un compromis entre ceux qui regretteraient que le revenu d’activité soit trop bas (pour rappel, prendre le RSA socle comme référence cela correspond à 524 €/mois pour une personne seule et de 1100 € pour un couple et deux enfants, avant déduction des aides au logement) et ceux qui veulent une allocation universelle qui ne réduit pas l’incitation à travailler. Le cumul des deux pourra constituer un revenu réellement suffisant, et pourra être accessible même à ceux qui n’ont pas d’emploi rémunéré dès lors qu’ils ont des contributions bénévoles reconnues.
Rappelons enfin que le revenu de base aura toujours une condition tant qu’il ne pourra être octroyé à tout être humain de la planète : appartenir à la communauté politique concernée. Ainsi pour le RSA, outre la condition de l’âge (avoir plus de 25 ans ou avoir travaillé 2 ans au cours des trois dernières années ou avoir un enfant à charge), il faut résider en France de manière stable et remplir des conditions de droit de séjour. Sont en particulier exclus de nombreux ressortissants étrangers qui ne disposent par d’un titre de séjour autorisant à travailler depuis au moins 5 ans. Il faudra dans tous les cas définir les « non étrangers » qui y auront droit et on peut craindre que certains partis obtiennent une définition selon un périmètre encore plus réduit.
Le revenu contributif pourrait quant à lui s’exonérer de telles conditions, en ne gardant que celle d’un « seuil de contribution ». Il permettrait donc à une fraction de la population immigrée aujourd’hui exclue du RSA et demain du revenu de base, de bénéficier d’une reconnaissance de ses contributions à la société française, lui donnant aussi des droits sociaux et un revenu décent.
Défendre un revenu de base et un revenu contributif devraient donc devenir les deux facettes d’un même combat pour reconnaître à tous le droit à un revenu décent et aussi la reconnaissance des contributions de chacun à la société.

Pierre Musseau

La pub défigure la France ? Envoyez vos photos !

La pub défigure la France ? Envoyez vos

Eloyes, Vosges


Photo prise par Laurent

 
Des affiches plus grandes, plus nombreuses, plus lumineuses et dans des coins jusqu'ici préservés ? C'est ce que réserve un décret d'application de la loi Macron. La pub prend-elle déjà trop de place ? Témoignez en photos.

La loi Macron ou « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », adoptée en août 2015, n’a pas dit son dernier mot. Un décret (ici en pdf) portant sur la « simplification de la réglementation des publicités » devrait l’étoffer. Depuis le 15 janvier et jusqu’au 9 février, ce texte modifiant le code de l’environnement est soumis à l’avis des citoyens via une consultation publique. S’il était adopté en l’état, les afficheurs verraient leur terrain de jeu s’étendre à des zones auxquelles il n’ont pas eu accès depuis les années 1970 : les agglomérations dont la population ne dépasse pas 10 000 habitants. Du moins pour les « dispositifs scellés au sol » et « lorsque les spécificités locales communales peuvent le justifier », précise le texte. Sauf que ces spécificités peuvent se résumer à la présence « d’une zone commerciale », si l’on en croit le site du ministère du Développent durable. La taille des affiches elle-même pourrait être élargie. Et ce grâce à l’introduction d’une subtilité. « Les surfaces des éléments de support, de fonctionnement, d’encadrement, de sécurité et d’éclairage des enseignes n’entrent pas dans le calcul. » Une pirouette qui permet au décret de stipuler que « la surface totale des publicités de 12 mètres carrés ne peut en tout état de cause dépasser 16 mètres carrés », formule qui suscite quelques moqueries.

Autre filouterie : en vue de l’Euro 2016 de football, les stades de 15 000 places pourront être tapissés d’affiches de 50 mètres carrés, jusque-là réservées aux gares ferroviaires et aux aéroports. Une mesure qui concernerait même les stades n’accueillant pas la compétition ! Et la luminosité ? En la matière, la simplification l’emporte. Plus question d’édicter des normes techniques en termes de « luminance maximale à respecter » ou d’« efficacité lumineuse », comme le prévoyait un décret de 2012. Si la nouvelle mouture est adoptée, on se contentera d’apprécier « l’éblouissement » que pourrait provoquer le panneau. La consommation et la performance énergétiques ne sont cette fois pas mentionnées.

Les associations sont donc très remontées. Agir pour l’environnement, Attac, les Amis de la Terre, Résistance à l’agression publicitaire se sont associés à Paysages de France pour lancer une action en ligne dans l’optique de peser sur la consultation publique. L’initiative est notamment soutenue par Nicolas Hulot, ex-envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux, le philosophe Dominique Bourg ou l’écrivain Daniel Pennac. De son côté, Télérama voit dans ces dispositions le retour de la « France moche », à laquelle le magazine consacrait en 2010 un dossier.

Cette France bardée d’enseignes et de panneaux en quatre par trois avait-elle vraiment disparu ? Les affiches défigurent-elles déjà certains paysages ? Dites-le nous en nous envoyant des photos glanées près de chez vous à agir@terraeco.net.

Pour participer à la consultation publique, vous pouvez déposer des observations par voie électronique jusqu’au 9 février inclus à l’adresse e-mail suivante

Vous mangez des nuggets ? Vraiment ? Voici ce qu’ils contiennent

Vous mangez des nuggets ? Vraiment ? Voici ce qu’ils contiennent

21 janvier 2016 / Sarah Lefèvre (Reporterre)

Ils sont faciles à préparer à la maison, ils plaisent aux enfants, les industriels de l’agroalimentaire les adorent : les nuggets de poulet. Mais qu’est-ce qui se cache sous la panure ? Reporterre a mené l’enquête sur un aliment au contenu peu ragoûtant.
L’heure du déjeuner chez l’un des géants de la restauration rapide. Malika et ses deux petites sœurs ont commandé des nuggets et des frites dans leurs menus enfant. « Comme d’habitude », confie leur maman. Du haut de ses 4 ans, la petite fille glisse : « C’est bon parce que c’est moelleux. » Cyril, la trentaine, mange sur le pouce ce midi-là. Une boite de quatre petits beignets de volaille et un petit sachet de frites pour seul repas. « C’est plus léger que les hamburgers ! » lance-t-il avec assurance. En est-il sûr ? « Ben oui, c’est du poulet ! »
Une boite de quatre pièces de Chicken McNuggets et ses sauces à emporter coûtent 2,80 euros pour 68 g, soit plus de 41 euros le kilo. Chez un concurrent spécialiste de la volaille, le sachet de quatre pièces, deux fois plus grosses, coûte 4,90 euros, environ 31 euros le kilogramme.

L’art de la formule alléchante

Au supermarché, direction les rayons de produits frais et surgelés. Impossible de rater les boites rectangulaires aux couleurs dominantes chaudes de « beignets », « frites », « petits panés » ou « nuggets (extra-)croustillants » à base de poulet. Les prix varient entre 9 et 15 euros le kilo. Dans notre panier témoin, une boite de marque distributeur, une autre, plus colorée, de la marque au bonhomme grassouillet : 2,03 et 2,46 euros respectivement, pour 200 g à chaque fois. Sur la tranche des emballages, la liste des ingrédients est longue et mystérieuse : de la viande à base de poulet reconstituée, de l’eau, des « E » suivis de trois chiffres, des arômes, de l’amidon... La dégustation peut commencer.
« Manger opaque peut avoir de graves conséquences sur la santé. » Cette phrase trône sur le grand miroir des Philosophes, bistrot du quatrième arrondissement parisien, l’un des restaurants de Xavier Denamur. Il sert des nuggets maison à ses jeunes clients. Le prix de l’assiette ? Sept euros pour 160 g de deux gros beignets de poulet servis sur un lit de légumes de saison. 44 euros le kilo avec l’accompagnement, à peine plus que le tarif du fast-food au nez rouge. « Je le propose justement pour que les enfants goûtent les vraies choses. »
Il se bat depuis des années auprès des pouvoirs publics contre la malbouffe et pour plus de transparence dans nos assiettes. En mars 2015, il a résumé l’essentiel de ce combat dans son livre Et si on se mettait enfin à table ? Chaque menu donné au client commence par son manifeste intitulé « Les citoyens en droit de savoir ».

Lunettes sur le bout du nez, méticuleux, il scrute les emballages. Les nuggets de la marque de distributeur d’abord. Premier ingrédient : « Préparation à base de viande de poulet et de dinde traitée en salaison reconstituée 60 %. » Ou l’art de la formule alléchante. Les informations les plus « croustillantes » sont à suivre, entre parenthèses : « Eau, viande de poulet origine France 17 %, viande de dinde origine France 10 %, peau de volaille, fibres de blé, gluten de blé, acidifiants : E326, E262, sel arômes. » Le restaurateur fait la moue. « Le fait que l’eau soit indiquée en premier lieu indique que c’est l’élément principal de la préparation. » On ne sait pas dans quelle proportion. Le reste ? Selon nos calculs, 27 % seulement du total de la garniture seraient de la viande de dinde et de poulet, « mais on ne sait pas laquelle, c’est-à-dire quelle partie de l’animal », poursuit le restaurateur. Et de la peau ? « Les nuggets, c’est le moyen de faire passer de la viande qui ne serait commercialisée autrement. »
La mention « origine France » accolée serait-elle un avantage du spécimen ? Paule Neyrat, nutritionniste, notre seconde analyste, n’est pas si optimiste : « C’est pour faire bien, pour rassurer, mais la peau de volaille qui arrive en troisième position et qui doit représenter juste un peu moins de 10 % – on n’est pas obligé d’indiquer le pourcentage à partir du troisième ingrédient –, on ne sait pas d’où elle vient ! »

« Les additifs sont légion »

Quant à la pâte à beignet, les 40 % restant de nos bouchées panées, elle contient dans l’ordre : « Eau, huile de tournesol et de colza, farine de blé, sel, épices, dextrines, poudres à lever, E450i, E500ii, colorants, extraits de paprika, curcumine… ». Des agents de texture, acidifiants et autres exhausteurs de goût. « Les additifs sont légion dans ces produits et on sait qu’ils ont des conséquences néfastes sur la santé », poursuit la nutritionniste. Le vrai bon point de l’échantillon : « Les huiles de tournesol et d’arachide, meilleures que l’huile de palme, riche en acides gras saturés nocifs », habituellement définie comme « huile végétale » sur nos étiquettes.
Aura-t-on de meilleures surprises avec la marque à l’effigie rondouillarde ? Xavier Denamur recommence la lecture : « “Préparation à base de viande de filets et de viande de poulet traités en salaison reconstitués”... Il y a là une différence entre le blanc de poulet, le morceau noble, et la “viande”, qui désigne tout et n’importe quoi, comme la peau que l’on a déjà vue. » Pour la nutritionniste, l’expression signifie que « c’est du poulet broyé avec tout ! On utilise les restes de carcasse lorsqu’on a prélevé les filets et les cuisses » Les nuggets sont très gras (11 % et 12 %) alors que le poulet est une viande maigre. Même constat que le précédent au sujet des additifs.
« “Préparé avec du blanc de poulet”… Ah oui, et sinon, ce serait quoi ? » ironise le restaurateur. C’est la seule information concernant la recette des Chicken McNuggets. Les restaurants n’ont pas l’obligation de la détailler. Seules autres indications de McDonald’s, le pourcentage en sel (14 %), sucre (0 %) et matières grasses (13 %, dont 6 % d’acides gras saturés). Rien sur le sachet de KFC.

« On mange mou, on est mous, et on se fait manipuler mollement »

Xavier Denamur a posé sa balance sur la table. Avec les doigts hourdés de gras, nous séparons en quelques secondes panure et garniture des petits nuggets du clown, puis nous les pesons : 7 g d’enrobage pour 10 g de farce blanchâtre et compacte. Soit respectivement 40 % et 60 %, même moyenne que pour les deux spécimens précédents. Qu’en est-il de la farce ? « Les industriels ajoutent de l’eau, ça, au moins, c’est sûr. Cela rend la chair plus moelleuse. » Il s’arrête, repose la boîte de quatre et poursuit : « On mange mou, on est mou, et on se fait manipuler mollement. » Les nuggets de KFC sont bien plus compliqués à décortiquer. La panure accroche beaucoup plus et la viande a l’air plus « vraie ». Elle se délite en fibres. 57 % environ de blanc pour 43 % de chapelure.
Qu’y-a-t-il à l’intérieur de ces beignets de poulet ? Nous avons contacté de nombreux fabricants. Un seul a répondu : le géant du négoce en matières premières et industriel de l’agroalimentaire Cargill, l’un des principaux fournisseurs de McDonalds, dont nous venons de décortiquer les bouchées. En France, c’est à l’usine de Saint-Cyr-en-Val, près d’Orléans, que sont fabriqués les fameux Chicken McNuggets et autres « préparations panées à base de poulet » des divers sandwichs du fast-food. 13.000 tonnes de beignets surgelés sortent chaque année de cette usine pour McDo France.
Un nugget ne contient que 50 % de viande. C’est le pourcentage avancé par Michel Salion, attaché de presse de l’industriel, qui répète que les nuggets de Cargill sont fabriqués « uniquement à base de blanc de poulet : les filets sont grossièrement hachés puis mélangés dans une marinade à base d’eau, de sel, de céleri – un exhausteur de goût merveilleux puisqu’il donne une sensation de salé sans contenir de sel. » Bonne nouvelle. Ces nuggets en contiennent déjà 14 %. « Une fois que la viande a mariné, on la prélève puis elle est moulée selon la forme des nuggets que l’on connaît, cuits au four avant d’être enveloppés de leur panure. »
Est-ce tout ? Nous avons demandé à Michel Salion d’avoir accès à la liste intégrale des ingrédients pour pouvoir comparer les différents nuggets. Réponse : « Malheureusement, je ne vais pas pouvoir envoyer le document officiel. Comme c’est la recette dans sa totalité, pour des raisons de confidentialité, vous comprenez… » Même avec la liste des ingrédients, nous serions incapables de reproduire la recette. Comment font les fournisseurs de la grande distribution ? Inutile d’insister. Les ordres sont donnés. Les amoureux des nuggets du clown n’ont pas le droit de savoir ce qu’ils mangent.

Le surnom « McFrankenstein » attribué par un juge

La communication de McDonald’s et de ses fournisseurs a dû redoubler d’efficacité ces dernières années. Les déboires de la multinationale commencent en 2003, avec le surnom « McFrankenstein » attribué par un juge à nombre de ses recettes, incriminant l’opacité de la composition de ses produits. Dix ans plus tard, la firme doit faire face à une photo embarrassante : une pâte rose guimauve, un « gloubi-boulga », diffusée sur Internet en 2012, lance une polémique sans précédent au sujet de la garniture des fameux nuggets.
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La photo de la pâte rose guimauve diffusée sur Internet en 2012 et qui a créé une polémique.
La riposte de la multinationale est encore plus riche d’enseignement. Saisie d’une volonté de transparence, quelques fournisseurs décident d’ouvrir la porte de leurs usines. Des vidéos de communication pour en finir avec cette rumeur.
« Grâce à la panure, on peut tout cacher »
En 2013, une nouvelle enquête, publiée par The American Journal of Medecine, montre que les « nuggets de poulet » sont bien loin de mériter cette dénomination. L’étude se fonde sur deux échantillons issus de deux grandes chaînes de fast-food états-uniennes et en préserve l’anonymat. Au microscope, les chercheurs ont découvert que le muscle de poulet (le blanc) ne constitue qu’à peine la moitié de la viande de chaque beignet. Le reste ? Graisses, peau, veines, nerfs, viscères, cartilage et os broyés. Les lobbies du poulet frit reprochent alors à l’équipe scientifique de n’avoir étudié que deux exemples. Étude trop partielle selon eux.
« “100% filet” signifie que tout ce qu’il y a de viande dans le nugget est bien du blanc, mais la marinade qu’évoque Cargill est un joli mot pour dire que vous mettez des filets hachés, plus de l’eau, plus de la marinade, donc encore de l’eau pour faire gonfler le produit. » Christophe Brusset a travaillé 20 ans dans l’industrie agroalimentaire. C’est l’affaire des lasagnes à la viande de cheval de 2013 qui le pousse à sortir du silence. En septembre 2015, il publie Vous êtes fous d’avaler ça !, révélant de nombreux processus douteux de fabrication. Quant aux mixtures bon marché à base de viandes « reconstituées » ? « Les industriels utilisent une viande dite “préprocessée”, ce qui signifie qu’on y a injecté des additifs comme le phosphate et le carbonate pour que la viande retienne l’eau, gonfle et soit plus lourde. C’est exactement la même chose que pour certains filets de dinde ou de poulet vendus dans les grandes surfaces. » Sans parler de la peau des bas morceaux ajoutés à cette savante mixture.
« A-t-on pour autant le droit d’ajouter des produits bourrés d’additifs ? » poursuit-il. Il en existe des centaines. Une catégorie, les « auxiliaires technologiques », retient notre attention puisque les industriels ne sont pas obligés de les mentionner sur les emballages, « parce qu’il n’en reste que des traces dans le produit fini, mais des traces cancérigènes parfois ! C’est le cas pour certains antimousses ou solvants par exemple ». En utilise-t-on dans certains nuggets ? Difficile de le vérifier. Une certitude : « Grâce à la panure, on peut tout cacher. » Il se rappelle d’une histoire de champignons surgelés qui avaient viré au bleu à cause d’additifs. Un lot de 60 à 80 tonnes de champignons de Paris venus de Chine et rachetés par un importateur néerlandais. « Il ne savait pas quoi en faire, alors l’entreprise pour laquelle je travaillais à l’époque les a rachetés et les a transformés en nuggets. » La marchandise a, selon lui, été écoulée dans des supermarchés du sud-ouest de la France.

« Nous pouvons inverser le cours des choses »

« Nous pouvons inverser le cours des choses »

26 janvier 2016 / Entretien avec Jean-Baptiste Libouban

Membre fondateur des Faucheurs volontaires d’OGM, Jean-Baptiste Libouban est un chantre de la non-violence qui a participé, du Larzac à l’antinucléaire, à de nombreuses luttes écologistes. Il revient sur un demi-siècle d’engagement. Une expérience inspirante pour des combats d’actualité.
Jean-Baptiste Libouban est né en 1935. À 22 ans, il intègre l’une des communautés de l’Arche fondées par Lanza del Vasto, militant de la paix chrétien et précurseur des mouvements de retour à la nature. De 1990 à 2005, Jean-Baptiste Libouban a été le principal responsable de ces communautés.
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Jean-Baptiste Libouban.

On vient rencontrer Jean-Baptiste Libouban au hameau de la Fleyssière, près de Joncels, dans l’Hérault, comme on vient rencontrer un père (et un pair) en contempl’action. C’est dans ce petit coin de paradis perdu au bout d’une route départementale, au sud du Larzac, que ce « gandhien d’Occident », comme il aime se définir, et son épouse, Jeanine, ont élevé leurs quatre filles et qu’ils mènent la vie communautaire avec des compagnons de l’Arche de Lanza del Vasto, depuis cinquante ans. Une existence sous le signe de la sobriété heureuse, ponctuée par les travaux agricoles, la restauration des bâtiments, les temps de prière et d’échanges, de méditation et de yoga, ainsi que l’accueil des stagiaires. Dans ce retrait, le fondateur du collectif des Faucheurs volontaires d’OGM puise ses forces pour mener de nombreux combats militants qu’il raconte dans une passionnante autobiographie sous forme d’entretiens avec Jean-Pierre Garbisu : Vagabondages d’un faucheur volontaire (L’Harmattan).
Reporterre – Jean-Baptiste, tu affirmes volontiers : « La violence en col blanc a fait plus de morts que toutes les guerres. » Ou : « La science et le droit sont deux vecteurs de violence dans notre société. » Qu’est-ce à dire ?
Jean-Baptiste Libouban – Colonisation, traite des noirs, industries ultra-polluantes, accidents nucléaires : il n’est pas besoin de chercher loin pour constater les crimes que les cols blancs (politiques, militaires, patrons des multinationales, etc.) n’ont cessé de commettre depuis des siècles. Quant aux juristes et scientifiques, ce n’est que trop évident qu’ils servent à cautionner ou stimuler les activités prédatrices des grandes multinationales, qu’il s’agisse par exemple de la vente d’armes ou de l’importation d’OGM qu’on n’a pas le droit de cultiver en France. En ce sens, les accords du Tafta sont déjà en vigueur. La science appliquée prime de loin sur la science fondamentale, elle est utilisée aux seules fins de gagner des parts de marché, de le dominer. La raison technicienne s’exerce au profit de quelques-uns contre le bien commun. Nietzsche le disait déjà : « Ils leur ont promis le bonheur et entre eux, ils clignent de l’œil. » [1]
Tu insistes sur la nécessité de mener un double travail de transformation, à la fois sur soi et sur la société, sans opposer l’un à l’autre…
C’est la base de l’action non-violente inspirée de la vie et de l’œuvre de Gandhi, dont Lanza del Vasto a été l’un des héritiers en France, et à sa suite, les communautés de l’Arche, auxquelles j’ai donné ma vie. Il est essentiel, si l’on veut construire un monde de paix, de faire tomber nos propres aridités, nos haines, d’arriver à comprendre l’autre et de l’aider à nous comprendre. La germination d’une nouvelle société passe par là. Je suis convaincu qu’elle pousse dans les failles du béton urbain. Comme chrétien, je suis tenté de dire que l’Esprit naît là, qu’il filtre à travers l’action des militants libertaires et autres dont je partage le refus du consentement à la servitude. La vie est plus forte que la mort et même si l’état de la planète est plus angoissant que jamais, nous pouvons inverser le cours des choses. Comme le dit Edgar Morin, « le pire n’est pas certain ». Et de citer ce beau proverbe turc : « Les nuits sont enceintes, mais nul ne sait le jour qui en naîtra. »
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Gandhi en 1942.
Que représente Gandhi pour toi ?
Il est celui qui apporte la possibilité concrète de résoudre les conflits des hommes entre eux et de vivre en harmonie avec la nature. Cet apport est fondamental, c’est même la grande nouveauté du XXe siècle. La non-violence ne se réfère à aucune idéologie, à aucune religion, elle est transculturelle, c’est une façon d’agir qui découle d’une manière d’être, inspirée notamment par la conviction qu’il ne faut jamais prendre « l’adversaire » pour ce qu’il représente, ni le réduire à son rôle social, mais bien plutôt, essayer de voir d’abord en lui l’être humain digne, comme tel, de respect, aussi égaré ou néfaste soit-il. Cela ne veut pas dire qu’il faut être naïf, bien au contraire. Il y a par exemple des violences et provocations policières que nous devons repérer dans nos luttes. Au Larzac, j’ai ainsi vu un policier des Renseignements généraux lancer des pierres sur François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle. Ou, à Paris, en diverses occasions, des membres des services de police en cagoule jouer aux casseurs… Comme militants non-violents, il nous faut alors jouer fin pour éviter l’engrenage de la violence et nous interposer.
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Jean-Marie Muller, Lanza del Vasto, Jacques Pâris de Bollardière sur le plateau du Larzac pendant la lutte contre l’extension du camp militaire dans les années 1970.
Fondateur, en 2003, du collectif des Faucheurs volontaires d’OGM, t’es-tu inspiré de cette démarche non-violente ?
Absolument, et de son corollaire, la désobéissance civique. Quand le gouvernement encourage les intérêts privés ou les laisse s’imposer aux dépens de tous et de la terre, quand la loi privilégie l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général, criminalisant ceux qui, en nombre restreint, ont osé l’enfreindre, que reste-t-il aux citoyens pour que le droit redevienne la référence de régulation entre les personnes et les biens, pour que les institutions démocratiques retrouvent leur indépendance ? « Renoncer à la désobéissance civique, c’est mettre la conscience en prison », a dit Gandhi. Qu’ajouter de plus ? Ceci étant, il n’a pas toujours été simple, au sein des Faucheurs volontaires d’OGM comme au sein des opposants au projet d’extension du camp militaire du Larzac, dans les années 1970, de canaliser ceux qui, spontanément ou par conviction politique, auraient voulu en découdre violemment avec les forces de l’ordre. C’est pourquoi, dans la charte des Faucheurs, j’ai tenu à ce que soit stipulé : « Je m’engage à respecter les consignes de l’action non-violente. » Cette phrase faisant suite à celle-ci : « En l’absence de tout recours démocratique, je me porte volontaire pour neutraliser les cultures de plantes transgéniques en plein champ. »
Cette mobilisation t’a valu de comparaître à sept reprises devant la justice, parfois au côté de José Bové, auquel tu as fait appel, ainsi qu’à d’autres figures médiatiques, pour populariser l’action. Auparavant, as-tu connu d’autres démêlés avec l’ordre en place ?
Dès ma jeunesse puisque, déjà en contact avec Lanza del Vasto et pénétré de ses idéaux, j’ai pendant mon service militaire, lors de la guerre d’Algérie, refusé énergiquement l’arbitraire colonial et le recours à la torture. Ce qui m’a valu plusieurs mois de prison. Et, malgré tout – j’insiste sur ce point, même s’il peut paraître à certains dérisoire – le constant respect des gradés en raison de mon attitude non-violente et de la force de mes convictions m’a valu une reconnaissance telle qu’au lieu de faire les mois supplémentaires de service correspondant au temps de prison, à ma grande surprise, j’en ai été libéré. Après ce premier engagement, je n’ai plus cessé de me mobiliser. Notamment contre le nucléaire civil et militaire. Je garde à ce sujet un souvenir très fort de ma première action aux côtés des compagnons de l’Arche, en 1958, avec l’occupation de l’usine de Marcoule. Nous avions appris par des amis ingénieurs que l’État français y mettait au point la bombe atomique. Un autre grand moment fut aussi le jeûne mené à plusieurs (avec notamment le franciscain Alain Richard, le fondateur des Cercles de silence), devant l’ONU, en 2003, à New York, pour protester contre la guerre en Irak. Le jeûne étant un des outils privilégiés de l’action non-violente, j’ai souvent eu l’occasion d’y recourir. C’est du reste aussi un fort bon exercice pour la santé tant physique que spirituelle.
Aujourd’hui, quel est ton grand combat ?
Mon grand combat reste bien contre moi-même mais nous commençons à bien nous connaître tous les deux, à nous aimer et à nous accepter. Ici, nous tentons de nous défendre contre l’invasion des éoliennes industrielles. Leurs promoteurs, qui font des bénéfices énormes sur le dos de tous, sont en train de dévaster le paysage, de porter atteinte à I’aigle royal et à toute une riche faune. Plusieurs centaines d’éolienne sont prévus dans un rayon de 50 km autour du transformateur à 400.000 volts de Saint-Victor-et-Melvieu, en Aveyron, afin de vendre le courant notamment à l’Espagne. Dire que ces énergies intermittentes par nature sont des alternatives au nucléaire relève de l’imposture tant qu’elles ne sont pas stockables. Au pied du massif volcanique de l’Escandorgue, l’eau chaude sort à 40°C voire à 60°C, d’autres solutions sont donc possibles. Hélas, dans ces causses du Sud-Larzac, nous, les opposants, avons du mal à faire entendre notre voix. La lutte contre les biznessmen des éoliennes industrielles est inégal. J’ajoute volontiers que la pérennisation de l’état d’urgence et la perte des libertés qui en découlera mérite, bien sûr, une mobilisation d’envergure.
- Propos recueillis par Pierre Dieudonné

- Jean-Baptiste Libouban publie Vagabondages d’un faucheur d’OGM aux Editions L’Harmattan (280 p., 26,60 €).

[1Dans Ainsi parlait Zarathoustra.

L’enfant, meilleur ami du publicitaire

L’enfant, meilleur ami du publicitaire


L'enfant, meilleur ami du publicitaire
(Crédit photo : Stéfanie - Flickr)
 
Le 14 janvier, l'Assemblée nationale a voté un texte visant à débarrasser les dessins animés de France Télévisions de la publicité. Les associations demandent l'extension de la mesure. Mais les experts en marketing ne veulent pas être privés de leur cible la plus docile.

Terminé le caprice, en plein supermarché, pour un paquet de céréales « vu à la télé »  ? Jeudi 14 janvier, l’Assemblée nationale a adopté, en très petit comité et contre l’avis du gouvernement, la proposition de loi de la députée Europe Ecologie - Les Verts Michèle Bonneton « relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique ». Si le texte n’est pas vidé de sa substance au fil des navettes parlementaires – ce qu’une précédente tentative peut laisser présager – à partir de 2018, les spots publicitaires devraient disparaître, quinze minutes avant, quinze minutes après et pendant les programmes de France Télévisions destinés aux enfants de moins de 12 ans. Les publicitaires perdraient alors l’un des accès à une cible hautement stratégique : l’enfant. « On ne peut pas faire l’économie de s’adresser à lui », estime Charlotte Dupuis, directrice de ABCplus, institut chargé d’évaluer les comportements de consommation des enfants de 0 à 14 ans et des familles pour des clients comme Danone, Lego, Kellogg’s, McDonald’s ou McCain. « L’enfant a un rôle avéré dans la consommation, la sienne et celle de la famille, ce serait hypocrite de le nier », reprend-elle. Cet intérêt des pros du marketing pour nos têtes blondes ulcère les associations d’éducation populaire. « On s’adresse à un public qui n’a pas les clés de compréhension, c’est une forme d’atteinte aux libertés », estime Christian Gautellier, président du pôle média des Céméa (les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active). Pour quelles raisons nos chérubins cristallisent-ils tant les passions ?

1) Devant la pub, l’enfant est bon client

Convaincre un enfant est plus facile que convaincre un adulte. Oubliez le second degré, les tournures métaphoriques, l’appel au bon sens ou à la raison. « Contrairement aux adultes, le mécanisme de persuasion d’un enfant ne repose que sur un seul levier : l’agrément », explique Ziad Samaha, directeur général d’IM impact, bureau de conseil en efficacité publicitaire. « Un enfant, si vous arrivez à le faire rire, c’est gagné ! », résume-t-il. Ce levier imparable est renforcé par une absence totale d’esprit critique : « L’enfant ne distingue pas un dessin animé de ses publicités, pour lui ce qui est dit à la télé c’est la vérité », complète Ronan Chastellier, sociologue, auteur du Marketing Jeune. Que l’un ait une visée mercantile, l’autre pas, ne leur fait donc ni chaud ni froid. « Avant 8 ans, l’enfant ne comprend pas l’intention derrière un message », confirme Christian Gautellier, en s’appuyant sur les travaux de Jean Piaget sur le développement cognitif. Pour le responsable des Céméa, « c’est au nom de ces connaissances sur le développement de l’enfant qu’on devrait maintenir des espaces protégés où les plus jeunes ne seraient tout simplement pas exposés à la publicité. »

2) La télé, un média surpuissant

En matière de marketing jeunesse, Internet fait ses preuves. En témoigne le succès du challenge Youtube pour les bonbons Harry Potter dont la vidéo a été vue des centaines de milliers de fois. Mais la télévision reste le médium roi. « Celui devant lequel les enfants sont souvent seuls sans adultes à leurs côtés pour décrypter », souligne Charlotte Dupuis. Et leur exposition dépasse largement France Télévision. « En trente ans, le nombre de chaînes diffusant des programmes qui sont destinés aux enfants a été multiplié par cinq », poursuit la directrice d’ABCplus citant les chaînes Disney, Gulli, et TF1. « Si on doit aujourd’hui supprimer la publicité environnant les programmes jeunesse, si l’on considère qu’il faut le faire au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut le faire partout », estime Christian Gautellier. Il pointe même l’effet contre-productif que pourrait avoir une mesure privant de 20 millions d’euros de recettes la seule télévision publique. « On risque d’affaiblir sa capacité à financer des programmes de qualité qui seront remplacés par programmes nord-américains dont le scénario lui-même impacte les comportements de consommation des enfants. On n’y gagnerait rien », avertit-il. Aux yeux de son association, la mesure doit s’accompagner de la mise en place d’un fonds de compensation.

3) L’enfant décide des achats

« Dans tous les actes d’achat d’une famille, de la voiture aux céréales, l’enfant est prescripteur », explique Ziad Samaha. « L’enfant est le principal décideur dans 75% des cas pour les céréales, 69% pour les biscuits », souligne Ronan Chastellier. En cas de refus, l’enfant a même un pouvoir de harcèlement. Les experts en marketing l’appelle le « pester power », soit le pouvoir d’éreinter, jusqu’à les faire céder, ses géniteurs. « A l’extrême, le symptôme type, c’est l’enfant qui refuse de quitter le linéaire parce qu’il veut tel produit », explique Ziad Samaha. Le chercheur note même « une corrélation entre le potentiel d’agacement d’un objet pour les parents et le désir qu’il suscite chez l’enfant ». Un levier insidieux sur lequel le marketing n’hésite pas à jouer. Résultat, « les enfants se sentent investis d’un pouvoir, d’une puissance qui repose beaucoup sur le chantage affectif : et cela peut fonctionner tant que les parents voient dans l’acte d’achat une manière de faire une démonstration d’amour et de tendresse », reprend Ronan Chastellier.

4) Un problème éthique ?

Les débats font rage. Côté marketing, Charlotte Dupuis, estime que « l’exposition des plus jeunes à la publicité et au discours des marques leur permet de construire et de cultiver leur personnalité ». Son agence créée il y a 30 ans, aime à se présenter comme une application de la pensée de Françoise Dolto : « L’enfant est un individu à part entière, il a un avis, il faut l’écouter », résume la directrice. Un point de vue que ne partage pas du tout Christophe Gautellier : « Un enfant n’a pas les capacités cognitives de l’adulte, donc dès qu’on le met devant ce type de message, il y a manipulation de l’esprit. » Certaines marques, conscientes de la gêne que peut susciter le ciblage des enfants, renoncent à s’adresser à eux seuls. « C’est ce qu’on appelle le coviewing, les marques s’engagent à communiquer en direction de l’enfant, seulement à des horaires où il est accompagné d’un adulte », explique Charlotte Dupuis. « Les marques peuvent s’y retrouver car elles gagnent une image éthique », souligne Ziad Samaha. Quant à bannir totalement la publicité visant les enfants ? L’option mise en œuvre au Québec et défendue par les Céméa laisse sceptique dans le monde de la publicité. « Il restera toujours le cadeau dans le Happy meal, le gadget dans la boîte de céréales, souligne Ziad Samaha qui estime qu’une marque trouvera toujours des leviers pour faire parler d’elle dans la cours de récré. »

« Les saisons », ciné sauvage

« Les saisons », ciné sauvage


« Les saisons », ciné sauvage
(Crédit photo : DR)
 
De Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, sortie le 27 janvier.

Il y a quarante ans, Frédéric Rossif, documentariste, réalisait La Fête sauvage, hommage au monde animal qu’il filmait comme un opéra somptueux. Nouvelle ode au sauvage, Les Saisons retrace, depuis vingt mille ans, la coexistence de l’homme et des animaux en Europe. Les images sont belles, les bêtes de nos forêts, filmées dans leur vie quotidienne, nous apparaissent à la fois proches et mystérieuses. Mais l’heure n’est plus du tout à la fête. Perrin raconte comment, après l’âge d’or des forêts il y a treize mille ans, l’homme domestique la faune, défriche et façonne le paysage.

« Les animaux deviennent utiles ou nuisibles. Les autres portent malheur », souligne la voix du réalisateur. Clac, un piège se referme sur les pattes d’une chouette. Et les loups sont pourchassés sans merci. Raconter plus de vingt mille ans de coexistence avec le sauvage en une heure et demie implique un sacré esprit de synthèse, qui rend cette épopée un peu elliptique et schématique. C’est au service d’un message clair : une nouvelle alliance avec nos compagnons de planète est encore possible, conclut Jacques Perrin, comme un testament aux générations futures.

La belle histoire de l’installation de onze jeunes paysans sur une ferme du Limousin

La belle histoire de l’installation de onze jeunes paysans sur une ferme du Limousin

11 janvier 2016 / Campagnes solidaires

Dans le sud de la Haute-Vienne, la ferme de la Tournerie vit depuis cette année une révolution : d’une exploitation spécialisée en bovins-viande sur laquelle travaillait un seul actif, elle devient une ferme diversifiée sur laquelle s’installent onze jeunes paysans qui ont placé le collectif au cœur de leur projet.
C’est fait. Un an et demi après leur première visite, ils s’installent. « Ils » et « elles » en réalité : six garçons et cinq filles, soit onze futur.e.s paysan.ne.s, décidés à faire d’une exploitation agricole spécialisée en bovins-viande une ferme aux productions diversifiées.
Avec près de 80 hectares de terres agricoles, deux maisons d’habitation et des bâtiments d’ores et déjà fonctionnels, la ferme de La Tournerie semble taillée pour correspondre au projet du collectif. Pourtant, elle ne fait pas l’unanimité d’emblée. C’est au fil des visites que la réalité s’impose : le lieu idéal n’existe pas, et ce qui est vrai dans un parcours d’installation « classique » est encore plus vrai à onze.
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C’est parti pour les onze nouveaux occupants de la ferme de la Tournerie. Du pain au levain, des légumes et fruits de saison, de la bière artisanale, de la viande de porc, du fromage de vache et de chèvre, de la crème fraîche et des yaourts : tout sera produit en bio puis vendu localement.
Si les attentes personnelles sont multiples, le projet collectif, lui, est abouti, mûri depuis plusieurs années. En janvier 2012 déjà, un tableau d’école de l’Institut supérieur d’agriculture de Lille (ISA) se remplit des envies de chacun. La volonté de faire ensemble est commune mais des sensibilités différentes s’affirment. Certains se voient d’ores et déjà dans le maraîchage ou l’élevage, d’autres s’intéressent aux produits transformés, comme le pain, le fromage ou la bière. Neuf des onze sont dans la salle, dix sortent diplômé.e.s de l’établissement à l’automne de la même année, avec la volonté de prendre le temps. Car vue de l’école d’ingénieur, l’alternative au modèle agro-industriel, c’est tout un monde à inventer.

L’effet d’entraînement joue à plein 

De là, chacun mène sa barque de son côté, au gré des premiers emplois. Ouvriers agricoles, animateurs et animatrices pour différents organismes comme la Confédération paysanne, l’association Terre de liens, les réseaux Solidarité paysans ou des Groupements d’agriculteurs biologiques (GAB)... Les choix ne sont pas anodins.
2013 est l’année de l’immersion complète dans la réalité du monde agricole. Une vision plus claire des différents acteurs se dessine, mais aussi des enjeux associés à l’agriculture. Émergent alors selon les parcours les questions d’autonomie, de vente locale, de productivité, de qualité de vie... La diversité des alternatives découvertes cette année-là gomme le simple clivage agriculture conventionnelle/agriculture biologique. Il ne suffit pas de faire du bio.
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Le four à pain.
En avril 2013, la visite en Mayenne d’une ferme tenue par le collectif Radis&Co finit de convaincre le groupe. Le modèle en polyculture-élevage, avec une production diversifiée tournée vers des débouchés locaux, est viable. Mais surtout, l’organisation collective qu’ils y observent, composée de week-ends d’astreinte, de compétences partagées pour que chacun.e soit remplaçable au pied levé, génère des rapports au temps et au travail différents. Un équilibre de vie central dans le projet du groupe.
Fin 2013, deux membres du collectif s’installent à La Ribouille, un hameau de Saint-Germain-les-Belles, dans le sud de la Haute-Vienne. La maison, en réalité une fermette convertie à l’habitation, est à mi-chemin de leurs lieux de travail respectifs et l’idée d’un « camp de base » pour l’ensemble du groupe fait peu à peu son chemin. Très vite, le terrain attenant est transformé en potager, une mare à canards voit le jour ainsi qu’un poulailler et un atelier. L’effet d’entraînement joue à plein, et c’est tout le collectif qui s’y installe, des caravanes disposées à la périphérie du terrain venant s’ajouter aux trois chambres de la maison. Le four à pain existant est remis en état de marche, une dépendance transformée en microbrasserie et la cave se remplit de fromages... La Ribouille passe vite du camp de base à la zone d’expérimentation. Si les volumes de productions sont encore modestes et l’autonomie toute relative, le cœur du projet, lui, est grandeur nature : le collectif. Ils sont tous les onze là, à vivre sur le lieu.

La complémentarité des membres du collectif s’avère efficace 

Répartition des tâches, des espaces, mise en commun des revenus, La Ribouille permet d’expérimenter des outils d’organisation et de communication vus ailleurs, de les adapter, voire d’en créer de nouveaux pour répondre aux besoins. Chaque réunion hebdomadaire débute par un « tour d’humeurs », histoire de prendre le pouls du collectif avant d’attaquer la semaine, et des « réunions philo » abordent les questions de fond sans obligation de prise de décision. Sans viser le consensus, ces temps d’échanges formels font émerger de nouvelles questions et nourrissent les réflexions individuelles. La mise en commun des revenus, par exemple, a soulevé de nombreux débats. Pour le moment adaptée à la situation, elle reste en place sans être irrévocable.
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Installation des serres pour le maraîchage.
Le parcours d’installation, commencé au début de 2014, met à l’épreuve l’organisation du collectif : aux stages prescrits par la chambre d’agriculture s’ajoutent les visites de fermes et la définition précise du projet. Dimensionnement des différentes activités, constitution de dossiers à soumettre aux différents organismes sollicités (Terre de liens, chambre d’agriculture, banques...), la complémentarité des membres du collectif s’avère efficace et fin 2014, tout est bouclé.
Quatre hectares dédiés au maraîchage bio dont 4.500 m² de serres, 15 vaches laitières bretonnes pie noir, 70 chèvres poitevines, une fromagerie, une vingtaine d’hectares de céréales bio, du pain, de la bière et des porcs fermiers. Associé au profil de la ferme de La Tournerie, le projet a su convaincre la foncière Terre de liens, qui se porte acquéreuse du terrain en mai 2015, à hauteur de 269.500 €. Le collectif, à travers une SCI, achète quant à lui le bâti. En juin, l’accord de vente est signé. Trois mois plus tard, c’est au tour de la commission départementale d’orientation agricole de placer le projet sous les meilleurs auspices : la fourchette haute de la dotation jeune agriculteur est attribuée aux dix futur.e.s paysan.ne.s du collectif, soit 24.500 € par tête. Quelques jours plus tard, leur regroupement en un Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) de dix personnes est validé. Un des membres du collectif, architecte-charpentier de formation, sera employé à mi-temps par la structure, libre de consacrer le reste du temps à son activité première.

Convaincre les acteurs « traditionnels » de l’agriculture 

Le projet collectif a donc su convaincre les acteurs « traditionnels » de l’agriculture (chambre, Safer, banque...) et ceux militant pour une autre agriculture. À mi-chemin : la famille propriétaire depuis deux générations de la ferme. Malgré d’autres propositions d’achat, inscrites dans des logiques d’agrandissement d’exploitations préexistantes, les propriétaires ont soutenu par leur patience et leur bienveillance le projet des onze.
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Les vaches bretonnes pie noir.
La ferme de La Tournerie reste donc une entité et amorce sa transformation. Si la conversion de l’ensemble des terres au bio prendra deux ans, l’aménagement des bâtiments se fera pendant l’hiver à venir. Des travaux de maçonnerie et de menuiserie dans l’existant sont nécessaires pour la création des ateliers bovin, caprin et porcin, d’une brasserie et d’une fromagerie. Cette dernière doit être prête pour le printemps et les premières production laitières.
À terme, La Tournerie produira des légumes de saison, du fromage, du porc fermier, du pain et de la bière. Quinze à vingt personnes y vivront et onze y travailleront. Pas mal, pour une petite ferme !

Des choix et des projets

- L’autonomie, pas l’isolement
Dès la première réunion, le principe a fait l’unanimité. Vivre et travailler ensemble sur un même lieu ? Oui, à condition qu’il s’agisse d’un lieu ouvert sur le monde, un lieu d’échanges. L’isolement, à tort ou à raison, est alors perçu comme un risque lié à la profession, ou la ruralité, ou les deux. Un risque peut-être accru par le choix d’une installation en collectif : aussi, bon nombre des décisions prises tendent à l’ouverture.
- Le Limousin plutôt que l’Ardèche
Le choix de la région d’installation s’est vite orienté vers des zones moins pourvues en modèles alternatifs.
- Implication dans les réseaux agricoles
Une fois les activités bien lancées, La Tournerie souhaite prendre part à différents réseaux d’échanges et de coopération, comme Agrobio 87, l’Ardear du Limousin ou le réseau Semences paysannes. Il est également prévu d’adhérer à la Cuma [1] la plus proche.
- Produire pour soi... et pour d’autres
Plutôt que l’autosuffisance, évoquée les premières années, c’est la production d’aliments issus de l’agriculture bio à des fins de commercialisation qui s’est imposée.
- La vente locale
Les productions seront écoulées sur les marchés de Limoges et Saint-Yrieix-la-Perche, ainsi que sur des lieux de dépôt dans les mêmes villes après commande sur Internet. Des magasins de producteurs des alentours seront également concernés, les collectivités territoriales seront sollicitées par l’intermédiaire de MangerBioLimousin. Un magasin à la ferme sera également tenu.
- Bar associatif
Sur la ferme, une ancienne porcherie est destinée à se transformer en un bar associatif qui accueillera diverses manifestations culturelles.
- Maison collective
Dès que l’activité agricole sera amorcée, une des maisons d’habitation sera dédiée exclusivement à la vie collective.

[1Le réseau des coopératives d’utilisation de matériel agricole.

34,4 milliards d’euros

34,4 milliards d’euros


34,4 milliards d'euros
(Crédit photo : Wikimedia)
 
C'est le coût estimé du projet d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure.

C’est le coût estimé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) du projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires français dans le sous-sol de la commune de Bure (Meuse). C’est le double de ce qui avait été calculé en 2005, date à laquelle le projet avait été chiffré à 15 milliards d’euros.

Ce montant est toutefois contesté par EDF, Areva et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui considèrent pour ce projet un coût objectif (hors risques) de 20 milliards d’euros. La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, devra trancher prochainement et fixer par arrêté le « coût de référence » du site, soit le coût estimé du projet.

Nature déboussolée : « Au sein de notre laboratoire, personne n’a jamais vu ça »

Nature déboussolée : « Au sein de notre

Nature déboussolée : « Au sein de notre laboratoire, personne n'a jamais vu ça »
(Crédit photo : Patrick Flambard)
 
Framboises, jonquilles et abeilles ont donné aux fêtes de fin d'année un goût printanier. D'où vient ce réveil précoce de la nature ? Pour quelles conséquences ? Réponses d'Isabelle Chuine, directrice de recherches au CNRS.

Floraisons anticipées, bourgeons prêts à éclore, insectes pollinisateurs qui oublient d’hiberner : aux quatre coins de la France, beaucoup ont constaté, et parfois immortalisé, les symptômes d’une nature déboussolée. Isabelle Chuine, directrice de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), s’intéresse à la phénologie des végétaux, c’est-à-dire au lien entre les événements périodiques qui rythment la vie des espèces et les variations saisonnières du climat. Au sein de l’Observatoire des saisons, dont elle est la responsable scientifique, elle s’apprête à analyser les anomalies de décembre-janvier. Avant que les travaux scientifiques – qui s’appuieront sur les contributions d’observateurs bénévoles, notamment celles des lecteurs de Terra eco – nous livrent toutes les clés, la chercheuse donne un premier éclairage sur les causes et conséquences de ces phénomènes étranges.

Terra eco : Notre étonnement face aux iris en fleurs en décembre est-il partagé par les chercheurs ?

Isabelle Chuine : Oui, au sein de notre laboratoire de recherches, personne n’a jamais vu ça. La situation, marquée par des floraisons extrêmement précoces, est exceptionnelle. Des espèces à floraison hivernale, comme le mimosa et le noisetier, ont fleuri dès novembre. Pour d’autres, dont la floraison est normalement printanière – iris, jonquilles, forsythia et lilas –, cela a commencé en décembre.



Comment expliquer ces anomalies ?

Au début du mois d’octobre, nous avons connu une petite vague de froid qui a duré huit jours, suivie de températures extrêmement douces. Cet épisode a envoyé à certains végétaux le signal que l’hiver était passé. Les espèces dont les besoins en froid sont les plus faibles ont alors levé leur dormance et la croissance cellulaire a débuté.

Quelles conséquences cet éveil précoce aura-t-il sur la suite du cycle de vie des végétaux ?

Les floraisons qui ont déjà eu lieu risquent d’être fatales pour la reproduction des plantes. Celles-ci ne produiront vraisemblablement ni fruits ni graines. Certains pollinisateurs sont certes restés en activité mais, en cette période de l’année, les conditions sont loin d’être idéales pour que les fleurs soient fécondées. Et même si elles l’étaient, les conditions de températures, et notamment le gel qu’on attend pour la fin de cette semaine, feraient probablement avorter le processus en détruisant les fruits fécondés.

Ces plantes pourraient-elles refleurir au printemps ?

Pour beaucoup, notamment les espèces ligneuses, ce ne sera pas possible d’avoir une double floraison. Les bourgeons floraux se forment pendant l’été. Il faudra donc attendre la prochaine période estivale pour que les arbres initient de nouveaux bourgeons qui normalement écloront au printemps 2017. Pour les espèces herbacées, la situation est différente et beaucoup, comme les pâquerettes et les pissenlits, pourront refleurir au printemps. Quoi qu’il en soit, nous sommes unanimes pour dire que cela aura un impact sur la reproduction. Les plantes auront investi dans la reproduction, mobilisé du carbone et des nutriments pour rien. Cela a un coût pour elles. Si le phénomène se répétait chaque année, la végétation pourrait ne pas s’en remettre.

Doit-on craindre des conséquences sur l’agriculture ?

A part les amandiers, dans les vergers, les arbres n’ont pour le moment pas encore commencé à fleurir. Ils devraient donc être préservés. En fait, tout va dépendre des conditions météorologiques des semaines à venir.

Vous attendez-vous à voir le phénomène se répéter dans les années à venir ?

Ces floraisons précoces sont le fruit de la juxtaposition inédite de deux phénomènes : vague de froid précoce à l’automne puis températures anormalement douces. Celles-ci sont la conséquence à la fois d’un épisode d’el Niño qui a débuté en 2014 et que l’on peut associer à la variabilité naturelle du climat, et du réchauffement global qui a débuté il y a environ un siècle. Les conditions climatiques que nous connaissons cette année devraient devenir la norme à partir de 2050. A cette même échéance, on voit apparaître, dans les projections de nos modèles, des problèmes de développement pour les espèces tempérées dans les régions méridionales de France.

Collecter des données sur le phénomène en cours est donc crucial ?

Oui. Nous vivons une expérience grandeur nature inédite, qui pose de nombreuses questions mais peut aussi apporter des réponses. Il y a, par exemple, un débat de longue date au sein de la communauté scientifique autour de l’influence de la photopériode – la durée du jour – sur le déclenchement de la floraison. En ce moment, des espèces fleurissent en plein solstice d’hiver. Cela suggère qu’elles n’y sont pas du tout sensibles. On sait également peu de choses sur les besoins en froid de chaque espèce. Leurs réactions au phénomène météorologique actuel nous permettent d’avancer. C’est pourquoi nous avons besoin de multiplier les observations. Comme nous sommes très peu de chercheurs à travailler sur ces questions, les sciences participatives sont un formidable outil.

Si vous avez constaté des anomalies et voulez contribuer par vos observations aux recherches de l’Observatoire des saisons, n’hésitez pas à envoyer une photographie de la plante, avec la date et le lieu de l’observation à contact@obs-saisons.fr

Nos cantines publiques passeront-elles au bio et au local demain ?

Nos cantines publiques passeront-elles au bio et au local demain ?


Nos cantines publiques passeront-elles au bio et au local demain ?
(Crédit photo : Rex Pirie - Wikimedia)
 
Des produits bios, du coin et de saison largement présents dans toute la restauration collective publique ? L'idée, qui a reçu le soutien de près de 100 000 personnes, sera étudiée ce jeudi devant l'Assemblée nationale.

Malbouffe et cantine vont-elles devenir incompatibles ? A partir de 2020, les habitués de la restauration collective publique pourraient trouver au bout de leur fourchette au moins 40% d’aliments « durables, locaux, de saison ». Telle est l’ambition de la proposition de loi « visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation », examinée ce jeudi 14 janvier en première lecture à l’Assemblée nationale. Si le texte est adopté, les cantines – mais aussi les hôpitaux et les maisons de retraite – auront quatre ans pour introduire des produits labélisés, avec par exemple des appellations géographiques protégées, dans leurs menus. Un moyen de contourner l’interdiction de la localisation des appels d’offres inscrite dans le code des marchés européens. Dans le même intervalle de temps, la part des ingrédients issus de l’agriculture biologique grimperait à 20%, contre 2,7% actuellement.

L’idée est plébiscitée par la population. Un sondage Ifop commandé par l’association Agir pour l’environnement et publié le 12 janvier indique que 76% des Français interrogés y sont favorables. L’engouement va plus loin. Une pétition en ligne qui permet aux citoyens d’inviter directement et par courrier leurs députés à voter en faveur de la loi a récolté plus de 93 000 signatures en cinq jours ! Dans le même temps, une douzaine d’associations, parmi lesquelles Générations Futures, la fondation Nicolas Hulot, le mouvement inter-régional des Amap, ont adressé un courrier aux députés pour les inviter à soutenir le texte.

Un effet levier puissant

« Il y a une très forte attente sociétale. Les consommateurs réalisent qu’à travers l’alimentation ils peuvent agir sur le social et l’environnement », résume Brigitte Allain, députée Europe Ecologie - Les Verts de Dordogne, qui porte cette proposition. « Ce mouvement s’est d’abord traduit par les Amap (Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), cibler la restauration collective permet de franchit un palier supplémentaire », explique l’élue.

« Cette loi peut avoir un effet levier très puissant sur le développement de l’agriculture bio en encourageant les conversions et les installations », se réjouit Mathias Chaplain, coordinateur de campagne au sein de l’association Agir pour l’environnement. Il rappelle que « la restauration collective est un marché à 17 milliards d’euros ». Une demande qui dans certaines régions comme l’Ile-de-France dépasse de loin les capacités actuelles des producteurs bios et locaux. « Il y a des marges de progrès, des emplois à créer, des producteurs à installer, il va falloir créer des plateformes logistiques, des légumeries, des abattoirs multi-espèces et repenser la manière de cuisiner dans la restauration collective », s’enthousiasme Brigitte Allain, pour qui la vertu première de cette loi serait « d’améliorer le lien social entre producteurs et consommateurs ».

Déjà au menu du Grenelle

L’idée n’est pas tout à fait neuve. Après le Grenelle de l’environnement, l’objectif avait été fixé en 2008 d’introduire des aliments bios à hauteur de 20% dans la restauration publique d’Etat d’ici à 2012. « Ç’a été un échec : les objectifs n’étaient pas contraignants et leur annonce n’avait été assortie d’aucun suivi », estime Mathias Chaplain. Cette fois, la donne est différente. Parmi les dispositions inscrites dans la proposition figure la création d’un « Observatoire de la sécurité alimentaire et des circuits courts ».

« Ce n’est pas un sujet partisan : certains députés de droite m’ont fait part de leur intention de voter la loi », se réjouit Brigitte Allain, optimiste quant à l’issue du scrutin. Pour elle, la pression citoyenne a joué. « Elle aura un impact sur le vote de ce jeudi, mais aussi sur les élus au moment de la mise en œuvre », espère la députée.