Au nom du libre-échange, les poulets de Bresse vont-ils céder la place aux volailles américaines
lavées à la Javel ?
Les élus bourguignons le craignent. C’est pourquoi ce lundi 17 mars, le
conseil régional de Bourgogne a adopté une motion sobrement baptisée
« Vœu pour un traité transatlantique plus transparent ».
Ce texte vise le traité Tafta (Transatlantic Free Trade Agreement)
discuté depuis juin 2013 à la Commission européenne et qui à partir de
2015, pourrait lier l’Europe aux Etats-Unis. Après la région
Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), l’Ile-de-France,
Niort (Deux-Sèvres) et Besançon (Doubs), la Bourgogne est la cinquième collectivité française à répondre – ou à devancer - l’appel
« Déclarons nos communes hors Tafta »,
publié le 14 mars par le
collectif unitaire national contre le traité.
Des multinationales qui poursuivent les Etats
Pour Daniel Berneron, membre du collectif, il en va de la survie des pouvoirs locaux.
« Si le traité est adopté, les collectivités perdront toutes leurs prérogatives au profit des multinationales » affirme-t-il. Le collectif, qui réunit
une myriade d’associations citoyennes comme
les Engraineurs ou
Attac, dénonce surtout un
mécanisme du traité
qui permettrait aux firmes procédurières de porter plainte pour entrave
à leur liberté commerciale. Ainsi, les Etats ou collectivités « trop »
stricts en matière de droit du travail, de protection de la santé ou de
l’environnement s’exposeraient à des
poursuites.
Le scénario n’est pas théorique. L’an dernier, ce mécanisme a permis à
Philip Morris d’attaquer en justice la politique anti-tabac de l’Uruguay et de l’Australie. En France,
écologistes,
militants de gauche et ONG craignent donc de voir Monsanto attaquer une
Europe trop hostile aux OGM ou Chevron faire sauter les entraves
législatives à l’exploitation du gaz de schiste.
Fin du bio dans les cantines ?
« Le traité a beau être supranational, l’impact sera local » affirme Abdel Ghezali, adjoint au maire de Besançon pour justifier
la motion
prise le 18 février par sa ville. L’élu socialiste craint pour
l’introduction du bio dans les cantines et la gestion de l’eau en régie.
« Le risque serait de ne plus pouvoir refuser ce type de marchés aux
multinationales sous prétexte qu’elles proposent des prix imbattables, explique-t-il.
Nous
n’avons rien contre le fait de faire appel au privé, mais il y a des
secteurs pour lesquels la ville est compétente, et dans tous les cas, on
veut continuer à avoir le choix. »
Devant les premières protestations de la société civile, Karel de
Gucht, le commissaire européen au Commerce chargé du dossier, a décidé
de remettre à plus tard les discussions sur ce point du traité. Depuis,
peu de choses filtrent sur l’avancée des négociations.
« On ne sait pas ce qui va sortir du chapeau »,
résume Philippe Hervieu, le président du groupe Europe Ecologie Les
Verts (EELV) de Bourgogne à l’initiative de la proposition.
« Tout ce qu’on demande c’est que le couvercle soit levé sur ce qu’il se passe au niveau européen », poursuit la conseillère régionale EELV Chantal Dhoukar. Le requête fait écho à l’appel lancé le 15 mars par
Corporate Europe Observatory et 26 autres ONG .
La Bourgogne face au reste du monde ?
De Niort à Bruxelles, les opposants à Tafta espèrent parler d’une même voix.
« Ce ne sera pas la Bourgogne face au reste du monde, reconnaît Philippe Hervieu,
l’idée c’est d’abord d’amener l’Association des régions de France (ARF) à prendre position ».
Même combat en Paca où Jean-Louis Joseph, vice-président PS de la
région Paca a soutenu la motion « Hors Tafta » déposée par le front de
gauche :
« Les élus PS considèrent que tout n’est pas à jeter dans ce
traité, mais on s’est associés pour protester contre le manque
d’informations de l’ARF. » Dans les faits, se déclarer hors Tafta n’a pour l’instant qu’une portée symbolique. Reste que le timing est propice.
« L’idée c’est d’alerter les gens, de créer un rapport de force et d’imposer le débat avant les élections européennes », explique Chantal Dhoukar.
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