dimanche 29 mars 2015

Reporterre : Mouvement Slow Food

La nouvelle jeunesse du mouvement Slow Food

24 mars 2015 / Baptiste Giraud (Reporterre)



Initié par Carlo Pietrini à la fin des années 1980, le mouvement Slow Food trouve une nouvelle jeunesse grâce à son réseau de jeunes militants, tout en conservant son ambition : « Parler des problèmes de société et du monde au travers de l’alimentation. »
Le « réseau Slow Food jeunesse » (Slow Food Youth Network) connecte les initiatives en conservant la vision systémique de l’alimentation chère au Slow Food, du producteur au consommateur en passant par le cuisinier.
« Parler des problèmes de société et du monde au travers de l’alimentation. » Voilà l’ambition que s’est donnée le mouvement Slow Food depuis de nombreuses années, et que reprend aujourd’hui le Slow Food Youth Network, nouvelle génération d’acteurs dont nous a parlé un de ses membres français, Bastien Beaufort.

« Défendre la biodiversité en promouvant les plaisirs gustatifs »

Petit retour en arrière d’abord. En 1986, en réaction à l’installation d’un McDo en plein centre de Rome, un groupe de militants autour de Carlo Petrini cherche à mettre en avant une autre manière de s’alimenter. Face aux hamburgers, ils brandissent des pattes, des penne italiennes.
Contre le fast food, ils créent le mouvement Slow Food. Trois ans plus tard à Paris, en présence de représentants d’une quinzaine de pays, ils publient leur manifeste et fondent officiellement l’association Slow Food, « Mouvement international pour la sauvegarde et le droit au plaisir ».
Durant les années 1990, le mouvement se développe en Italie autour d’une conception traditionnelle de la gastronomie comme plaisir de la bouche, en partie inspirée du gastronome français Brillat-Savarin. La nourriture doit être à la fois bonne (qualités gustatives et nutritionnelles), propre (respectueuse de l’environnement) et juste (pour les producteurs et pour les consommateurs), trois « principes » que le Slow Food veut lier.

Avec l’organisation du Salon du goût à Turin (Salone del gusto) et de l’Arche du goût, à partir de 1996, la philosophie du mouvement s’élargit vers la défense de la biodiversité. « Les gens de Slow Food se sont rendus compte qu’on pouvait défendre la biodiversité en promouvant les plaisirs gustatifs, en passant par les petits producteurs », nous explique Bastien Beaufort.
Ainsi, le projet de l’Arche consiste en un « catalogue d’aliments de qualité oubliés et en danger de disparition ». Parallèlement les Sentinelles sont des campagnes de promotion et de relance de produits alimentaires en voie de disparition, qu’il s’agisse de cultures ou de produits transformés (Reporterre vous en parlait déjà ici).

« Un mouvement sans jeunes est un mouvement sans avenir »

Réunis en congrès à Puebla au Mexique en 2007, les membres de Slow Food « font ce constat simple qu’un mouvement sans jeunes est un mouvement sans avenir », nous raconte Bastien. En réponse, le Slow Food Youth Network est créé en 2009, en commençant par une branche hollandaise.
Joris Lohman a participé à cette fondation, et il est aujourd’hui président du réseau international. Nous l’avons rencontré à l’occasion du salon de l’agriculture : « Le Slow Food c’est un mode de vie, c’est prendre le temps et avoir conscience de ce qu’on mange et de tout ce qui est lié à l’alimentation. On veut donc créer un réseau de jeunes, qu’ils soient agriculteurs ou futurs décideurs, pour débattre de l’avenir de l’alimentation, et attirer l’attention des médias », expliquait-il.
Académie, festival du film, disco-soupes… tout est bon pour sensibiliser à la bonne alimentation

Particulièrement actif, le groupe hollandais est à l’origine depuis 2010 d’une « Académie » : « C’est une sorte d’université au sein du réseau qui permet d’expliquer comment marche le système alimentaire et de mettre en places des initiatives autour de jeunes entrepreneurs », selon Joris.
« Aujourd’hui il y a une mode et un intérêt pour ces thématiques, mais on a besoin de décisions politiques et de projets économiques pour que ça perdure », d’où l’intérêt de favoriser les échanges entre jeunes de tous milieux et toutes ambitions pour préparer l’avenir.
Les membres du Slow Food Youth Network des Pays-Bas ont aussi participé au montage du Food Film Festival (site en anglais) en 2011. Il a lieu chaque année en mai à Amsterdam et rassemble des documentaires, fictions et courts métrages autour de la nourriture… ainsi que des ateliers cuisine, des dégustations et des débats. Les organisateurs cherchent aujourd’hui à le rendre davantage mobile et itinérant.
Ce sont aussi des jeunes de Slow Food qui ont lancé la première disco-soupe à Berlin en 2012. Le concept (se rassembler pour éplucher des légumes issus de rebuts alimentaires et en faire une grande soupe à partager) s’est depuis largement répandu en France à travers plus de 50 villes, et ailleurs dans plus de 20 pays.
Le réseau des jeunes du Slow Food aussi est en pleine expansion, avec des membres en Italie, Allemagne, dans les grandes villes étasuniennes, en Australie, Corée du Sud, et en France depuis peu.
Le Slow Food Youth Network France vient de créer sa page sur les réseaux sociaux et tente de structurer ses forces : « On a des contacts surtout dans l’Ouest de la France, des producteurs, maraîchers, éleveurs, universitaires, cuisiniers… Pour l’instant on ne cherche pas à faire des choses trop ambitieuses, mais à travailler sur la base du réseau », explique Bastien.

Le Slow Food : « Des lasagnes de réseaux »

Les jeunes soutiennent déjà un projet Sentinelle en région parisienne autour du cresson de fontaine, une culture en voie de disparition dont « les vertus diététiques exceptionnelles sont portées par une saveur piquante pour le palais ». Pour Bastien, « à travers cette sentinelle, il s’agit de comprendre les problématiques des producteurs et de chercher à les soutenir ».
En toute logique, le Slow Food Youth Network français s’est aussi associé à la campagne Graines de vie lancée par Philippe Desbrosses, un « mouvement citoyen pour la sauvegarde des variétés potagères et fruitières ». Deux jeunes du réseau vont bénéficier d’une formation pour devenir des « ambassadeurs de la biodiversité ».

Par ailleurs, ils organiseront en juillet prochain des rencontres en Normandie, à la ferme de la marre des rufaux tenue elle-même par un jeune couple, afin de lancer un collectif régional. « On veut fédérer des gens qui pensent la même chose mais ne se connaissent pas. Tout le monde peut faire partie de notre réseau, on veut que ce soit le plus inclusif possible », insiste Bastien.
« Le mouvement Slow Food s’est développé de manière plus ou moins anarchique, il est hybride dans sa structure et sa dynamique. On peut voir ça comme des lasagnes de réseaux. »
Mais pour Bastien, la philosophie reste la même : « C’est une vision de l’alimentation comme devant être bonne, propre et juste, et une volonté de parler des problèmes de société et du monde à travers l’alimentation. »

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