vendredi 7 novembre 2014

Agrocarburants : demain, on roulera au papier plutôt qu’au diesel

Agrocarburants : demain, on roulera au papier plutôt qu’au diesel

La promesse de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre grâce à un carburant vert se précise. Les biocarburants de seconde génération, issus de la gazéification de la biomasse, sont déjà opérationnels. Le plus prometteur d’entre eux, produit à partir de la fabrication de pâte à papier, est testé actuellement sur des camions en Suède. Dès l’année prochaine, il devrait s’inscrire dans un processus de production à petite échelle aux Etats-Unis.  
Usine pate a papier Eric Cabanis AFP
L'usine de pâte à papier Tembec située à Boussens, en Haute-Garonne, photographiée en janvier 2010.
Eric Cabanis / AFP
Diesel synthétique, biogaz, diméthyléther (DME) et méthanol. Ces carburants pourraient bientôt remplacer l’essence et le gasoil.  Le groupe Volvo a développé des moteurs adaptés à chacun d’entre eux afin de les tester. Leur atout majeur ? Ils permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 75% … et jusqu'à près de 100% !
Ces carburants, dits de seconde génération, ont le mérite d’être produits à partir de végétaux non comestibles : bois et résidus forestiers, pailles de céréales et déchets organiques notamment. Les agrocarburants de première génération, comme l’éthanol, sont toujours produits à partir de betterave, de maïs ou de canne à sucre. Ce qui accroit le risque de concurrence entre besoins alimentaires et énergétiques.
C’est sur le DME que les ingénieurs et chercheurs de Volvo fondent le plus d’espoirs. "C’est un carburant qui impacte très peu le climat. Il permet de réduire de 95% les émissions de C02. En outre, il n’émet aucune particule", insiste Lars Martensson, le directeur de l’environnement de Volvo Trucks. "C’est le biocarburant le plus efficace. Son taux de rendement est de 67%", ajoute Anders Lewald, responsable du département transports à l’Agence suédoise de l’énergie.

Des tests menés depuis quatre ans dans le nord de la Suède


Le DME est réalisé à partir de liqueur noire, un sous-produit de la fabrication de la pâte à papier. L’entreprise suédoise Chemrec a conçu un procédé qui permet de convertir cette liqueur noire en un gaz de synthèse, ensuite transformé en une molécule liquide.
Pour produire ce carburant, une usine de gazéification de la liqueur noire a été construite à Pitea, dans le Nord de la Suède. Elle est entrée en service en 2010.
Coordinateur du projet, le groupe Volvo teste en Suède ce nouveau carburant sur dix camions depuis 2011. Ces véhicules lourds ont déjà effectué 1,5 million de kilomètres. Ils se ravitaillent en DME grâce à quatre stations-services implantées du nord au sud du pays, à l’initiative de la compagnie pétrolière suédoise Preem, partenaire de l’opération. Les tests s’avèrent satisfaisants. "La technologie fonctionne bien. Les moteurs sont plus silencieux qu’avec le diesel. Nous avons très peu de problèmes techniques", poursuit Lars Martensson.
Dès 2015, Volvo testera le DME aux Etats-Unis, avant de lancer un processus de production à petite échelle.

De lourds investissements et des garanties légales encore en discussion


Selon Chemrec, c’est l’Amérique du Nord qui disposerait du plus gros potentiel de production (35 GW), suivie par l’Europe (20 GW), et l’Asie (17Gw). En Europe, la Suède arrive en tête avec un tiers de la production de pâte à papier, suivie par la Finlande (29%), l’Espagne (9,5%) et la France (8%).
Ce procédé permettrait à l’industrie de la pâte à papier de produire de façon combinée papier et biocarburant. La principale difficulté à surmonter réside dans le montant des investissements à effectuer. Le coût de construction d’une usine de gazéification de liqueur noire, adossée à une usine de pâte à papier, est de 500 millions d’euros pour une unité. Une somme qui permettrait de construire une unité produisant 185 millions de litres équivalent essence par an. Cela représente 185 000 mètres cubes. Pour s'en faire une idée, la consommation annuelle de la France est actuellement de 50 millions de mètres cubes.
"Si toutes les usines de pâte à papier de Suède s’équipaient de nos technologies de gazéification, le DME pourrait potentiellement alimenter la moitié des véhicules lourds roulant au diesel dans le pays", précise Max Jonsson, le PDG de Chemerc.
A l’échelle européenne, ce sont 50% des véhicules commerciaux roulant au diesel qui pourraient rouler au DME d’ici une vingtaine d’année. Il faudrait pour cela étendre son processus de fabrication à toutes les matières organiques pouvant être dissoutes, comme le lisier, les résidus de stations d’épuration ou les résidus agricoles.
Pour produire à grande échelle, les industriels n’attendent plus qu’un cadre légal et réglementaire sûr leur garantissant des perspectives de développement à long terme: "Quelles seront les taxes que supporteront ces biocarburants de seconde génération ? Bénéficieront-ils d’incitations financières?" s’interroge Lars Martensson. Des règles du jeu claires existent déjà aux Etats-Unis. "En Europe, une directive sur les biocarburants est à l’étude, mais elle est encore dans les tuyaux", explique Anders Lewald.
 

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